A l’heure du grand départ, il est de tradition de faire un discours. Certains l’attendaient lors de mes dernières soirées, j’avais jusque alors esquivé. Mais ce matin, sûrement un peu intimidée par tant de monde présent pour moi mais aussi et surtout un peu (beaucoup) émue, j’ai préféré laisser de côté le discours que je vous avais préparé. Alors le voici :
Ça y est, nous y sommes (étions). Nous en parlions depuis si longtemps de ce voyage. Je pars pour un an, peut-être plus, peut-être moins. Ce tour de l’Europe à vélo n’est pas un but pour moi mais un moyen. Un moyen de partager, un moyen de voir les gens, de voir la vie, de voir le monde. Un moyen de grandir, de m’ouvrir et bien plus encore. Pour certains c’était (et c’est toujours) un projet fou, pour moi c’était un rêve. « C’était » car depuis quelques mois, au risque de vous décevoir, ce rêve n’en est plus un : à partir du moment où j’ai décidé de le réaliser, c’est devenu un véritable projet.
Tout d’abord, je voudrais remercier ceux qui me soutiennent et m’aident dans ce projet : ma famille et mes amis bien sûr, mais aussi la municipalité, stylpub, velofasto, azub, lestra, cyclyk, pissedebout, et fizzer. Et merci à vous, ma famille, mes amies, voisins, coéquipières, les écoliers, la municipalité et à tous les autres d’être venus si nombreux me soutenir et m’encourager ce matin. Cela me va droit au cœur et je sais que vous serez une source de motivation énorme tout au long de mon voyage. Merci ! Je vais commencer par vous poser une question : avez-vous déjà entendu quelqu’un vous dire « si c’était à refaire, je réaliserais moins mes rêves » ? Non… Moi non plus… parce que je suis sûre d’une chose : c’est que dans 10, 20 ou 30 ans, vous serez plus déçus par les choses que vous n’aurez pas faites que par celles que vous aurez accomplies. Maman : tu étais sûrement avec le reste de la famille, la plus et la moins heureuse de me voir là aujourd’hui, mais combien de fois t’ai-je entendu dire que tu aimerais avoir ton petit commerce ? … Souvent ! Maintenant que c’est fait, je te souhaite de vivre à fond cette nouvelle aventure à la Maison d’Annie. A vous tous : allez-y, osez réaliser vos rêves. Tout ce que vous avez à faire, c’est décider de vous lancer et le plus dur sera fait. N’attendez pas que la chance vous tombe dessus, provoquez-la ! C’est tout cela qui m’amène ici et là-bas aujourd’hui. « Un voyage se passe de motifs, il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même » mais je vais tout de même vous dire quelques mots de plus avant de prendre la route avec les plus motivés d’entre vous. Voyager seule n’est en aucun cas une solution de secours, mais bel et bien une occasion de vivre pleinement mon voyage, sans aucune autre contrainte que mes propres envies. Pour être honnête, j’ai un temps cherché un partenaire avant de me dire que seul mon plus fidèle destrier pourrait me supporter H-24 durant plusieurs mois. Notamment parce que je suis aussi sympathique que je peux être râleuse, je dois bien l’avouer. Pour autant, voyager seule ne signifie en aucune façon « voyager seule ». Des milliers de kilomètres et autant de rencontres m’attendent. Et, non je n’ai pas peur, et je n’aurai aucun regret si un jour je dois rentrer avant d’avoir bouclé mon tour, car j’aurai donné une chance à mon rêve de se réaliser. Je tiens d’ores et déjà à féliciter mon vélo sans qui rien ne serait possible. Il est au vélo droit ce que la chaise longue est au tabouret, même si il a quelques vices de conception : il n’avance pas tout seul et ne fait ni la cuisine ni la vaisselle. Il n’en reste pas moins méritant puisqu’il devra m’emmener au bout de l’Europe, d’ici à là, de là à ici, en passant par le Cap Nord et la Grèce, un simple détour me direz-vous. Car oui, je pars de chez moi pour y revenir, seule la longueur du détour change. Bref. Je vais dans quelques instants réaliser un de mes rêves et sans doute l’une des plus grandes aventures de ma vie. Rien ne devrait plus me contenter. Mais aujourd’hui je suis partagée : je pars vivre une aventure incroyable mais je réalise aussi que je vais m’éloigner des miens pour quelques temps… Ce n’est qu’un au revoir, on se retrouvera pour fêter ça bien assez vite je le sais, et vous serez fiers. Fiers de mon parcours, fiers du chemin parcouru, et fiers de qui je serai devenue.
Une épreuve physique et surtout mentale m’attend. J’espère que cela me permettra de me mesurer, de connaître mes limites et d’aller chercher plus loin. Aujourd’hui, je suis au sommet du grand plongeoir et il ne me reste plus qu’un pas à faire pour réaliser le grand saut. Les premiers coups de pédales seront certes les plus effrayants, mais ils seront aussi les plus décisifs… car je le sais, je vais vivre une aventure extraordinaire.
Je pars couchée mais je rentrerai grandie et riche, riche d’expériences.